Physiquement, sa maladie ne se voit presque pas. Juste ce léger strabisme qui apparaît depuis quelque temps dans ses yeux gris lorsqu'il est fatigué. "Ceux qui ne me connaissent pas peuvent passer à côté. Les gens ne se rendent pas compte." Pourtant, le handicap est bien réel. Sébastien Joachim, 36 ans, souffre de choroïdérémie. Cette maladie rare attaque les cellules de la rétine qui meurent et ne se régénèrent pas, le privant lentement de la vision. "C'est comme voir à travers le trou d'une serrure. Ma vision se réduit, de la périphérie jusqu'au centre et à la cécité totale. Au train où vont les choses, il ne me reste que quelques années", confie le jeune homme, handicapé à 80%. 

 

Alors souvent, on lui sourit, le salue, le regarde sans qu'il s'en aperçoive. "Même marcher dans la rue peut devenir dangereux. Je me heurte à des arbres, trébuche sur les trottoirs ou les marches, je bouscule régulièrement d'autres personnes. Je suis très maladroit, je casse tout chez moi, il faudrait presque m'acheter une dînette en plastique." Sébastien a appris à vivre avec: "Je me suis construit avec ce manque, en réalisant que j'avais un potentiel moindre que les autres. Pour compenser, il faut donner plus." 

 

"Votre fils sera aveugle avant ses 18 ans"

Héréditaire, la maladie est transmise par la mère et touche quasi exclusivement des hommes. Entre 500 et 1000 personnes sont concernées. Sébastien a deux frères et une soeur. Il est le seul affecté. Le jeune homme été diagnostiqué à l'âge de cinq ans, lors d'une visite de routine. L'ophtalmo a noté quelque chose de différent dans la couleur de la rétine. "Le médecin a dit à ma mère: 'Votre fils sera aveugle, sans doute avant ses 18 ans et on ne pourra rien faire pour lui'." Trente ans plus tard, ce n'est pas le cas. Mais son oeil gauche est atteint à un stade très avancé, la rétine s'étant déchirée deux fois déjà. Il utilise par conséquence essentiellement l'oeil droit. 

 

"Malheureusement, à l'heure actuelle, cette dégénérescence de la rétine est irréversible. On ne sait ni l'empêcher ni revenir dessus. Mais l'état des recherches laisse penser que dans l'avenir, on pourra traiter efficacement la maladie", explique le Professeur Christian Hamel*, directeur-fondateur de l'Institut des neurosciences de Montpellier. Ce médecin ophtalmologiste travaille notamment sur un projet de thérapie génique prometteur, en reproduisant en boîte de culture des cellules de la rétine du patient. 

 

"J'ai peur que la solution n'arrive pas à temps"

 

Pour un espoir à quelle échéance? "Nous sommes à un tournant. Les choses vont se jouer dans les dix ans à venir", prédit le Dr Hamel tout en rappelant que "ces maladies sont connues depuis plus d'un siècle". Mais pour aller plus loin et effectuer les études de toxicologie réglementaire, des fonds sont nécessaires à son équipe. Il manque 700 000 à 800 000 euros. C'est ce qui pousse aussi Sébastien à raconter son histoire: faire connaître la choroïdérémie et inciter le grand public à faire un don. 

 

"J'ai peur que la solution du professeur Hamel n'arrive pas à temps pour moi", avoue-t-il. J'ai peur de ne pas avoir le temps de mettre en place une carrière, de trouver un travail adapté, que ma situation m'empêche un jour, quand je serai père, de voir mes enfants, de connaître leur visage." Autant de craintes qui l'empêchent parfois de trouver le sommeil. 

 

Car le temps presse. "Parfois, je me rends compte de la différence par rapport à ce que j'étais avant. L'autre jour, je regardais une vidéo d'un de mes combats de boxe en club, ça m'a foutu le cafard. Surtout quand, juste après, j'ai fait tomber mon chausson et que j'ai dû me mettre à genou pour le récupérer à tâtons. ça fout un coup au moral." Mais les moments d'abattement ne durent pas. Car ce passionné du noble art le répète: il n'est pas du genre à se laisser "pourrir la vie par la maladie". 

 

 

 Article tiré de :

http://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/sebastien-36-ans-perd-progressivement-la-vue-je-serai-aveugle-dans-quelques-annees_1658576.html