Yerres (Essonne)

 

À peine un léger strabisme, un petit flou dans son regard gris-vert. « Un handicap quasi invisible », résume Sébastien Joachim. Et pourtant, le mal qui se cache derrière sa rétine attaque chaque jour un peu plus sa vision. « J'ai 36 ans et je deviens lentement aveugle », confie cet habitant de Yerres. Sébastien fait partie des quelques centaines de personnes en France atteintes de choroïdérémie, une des 8 000 maladies rares recensées, dont c'est la Journée internationale*. Ce mal génétique, héréditaire, lui a été diagnostiqué à l'âge de 5 ans. « On m'avait prédit que je serais aveugle à 18 ans. Depuis cet âge, je vis sur du bonus. » Mais ces dernières années, reprend-il, « tout s'est accéléré. La nuit vient avant l'heure. Les couleurs et les formes s'évanouissent. En décembre, ma rétine s'est déchirée toute seule, j'ai été opéré deux fois. Le quotidien est devenu un parcours du combattant ».

 

Sébastien prend pour témoins cet arbre contre lequel il s'est effondré, ces escaliers de métro contre lesquels il a trébuché, ces rayons de supermarché où il doit demander de l'aide aux autres clients, étonnés. « Comme cela ne se voit pas, on me prend pour un fou ou un impoli. Parfois je ne réponds pas à un sourire ou je me blesse à cause d'un bout de trottoir ! »

 

« Cette maladie rend nulle votre vision nocturne et le champ visuel se rétracte au fur et à mesure. Il rétrécit depuis la périphérie de l'oeil jusqu'au centre et, à un moment donné, votre cécité est totale », décrypte la présidente de France choroïdérémie, Marie-Catherine Faure, qui lance un appel aux dons pour faire avancer la recherche. Sébastien, qui n'a d'espoir que pour son œil droit -- à gauche, la maladie est déjà trop avancée --, est devenu le roi de la parade. « Pour me raser, je touche ma peau en même temps. Je m'agenouille pour passer l'aspirateur ou laver le sol. Il est hors de question que je m'exempte des tâches du quotidien. » D'autant plus qu'il a déjà dû renoncer à la boxe, cette passion à laquelle il s'est adonné pendant vingt ans et qui lui a donné son imposante carrure. « Trouver un travail aussi est compliqué, je n'y arrive pas. On a beau dire que les entreprises ont des aides pour l'embauche des personnes handicapées, le monde de l'entreprise est sans pitié », note ce trilingue, titulaire d'un diplôme en ressources humaines et en psychologie sociale.

 

Et il y a Jimena, sa fiancée argentine, dont le visage s'efface progressivement. « J'essaie de retenir chacun de ses traits. Je les regarde longtemps avant qu'elle ne se réveille. Je sais qu'un matin je ne les verrai plus. C'est un sentiment bizarre, triste, mais auquel je ne veux pas me borner. Je profite de chaque instant », explique le jeune homme. Ses souvenirs, il les immortalise aussi dans un livre en cours d'écriture. Il y parle de sa maladie, trop rare pour mobiliser autour d'elle.

 

* En France, 3 millions de personnes sont atteintes d'une maladie rare (qui touche moins de 1 personne sur 2 000).Retrouvez toutes les manifestations liées à la Journée internationale des maladies rares sur alliance-maladies-rares.org.

 

  Le Parisien

 

article tiré de http://www.leparisien.fr/espace-premium/actu/je-deviens-lentement-aveugle-28-02-2015-4563783.php